Entretien avec Victoire de Changy
D’où viennent les collections, et quels rôles peuvent-elles jouer ?
C’est très personnel et très singulier, d’entamer une collection, et les raisons de s’y mettre sont multiples. De mon point de vue, elles démarrent par goût esthétique pour l’objet collectionné, pour ses qualités intrinsèques, pour sa symbolique, ou par défi envers soi-même ou les autres, par soif du jeu. Collectionner vient tirer une corde tout droit venue de l’enfance, quelque chose d’à la fois ludique et de pur réconfort qui, comme toute acquisition, vient combler quelque chose qui manque. On collectionne pour garder une trace figée d’un monde en constante mutation.
Recherches de Fanny Dreyer
Comment s’est déroulée la collaboration avec Fanny Dreyer, l’illustratrice ?
Nous avons commencé par choisir ensemble les objets collectionnés, en dressant des listes et en procédant par élimination. On a choisi les objets où nous nous rejoignions toutes les deux le mieux ; c’était assez simple parce que nos univers sont assez connexes, se répondent toujours volontiers. On en a volontairement choisi sept, une par jour de la semaine, dans l’idée que le livre puisse être lu et regardé un petit peu chaque soir avec l’enfant, et nous les avons réparties par saison.
J’ai ensuite écrit le texte sur plusieurs semaines, collection par collection, personnage par personnage, et les ai toutes imaginées comme des histoires indépendantes, qui devaient se rejoindre, outre par l’acte de collectionner, par une forme d’écriture, une scansion, presque une chanson, ainsi que par une rengaine : les battements de cœur.
Fanny a pu lire le texte en train de s’écrire, et il nous est arrivé souvent d’interagir, de débattre et, au besoin, d’adapter. Je reçois chaque illustration de Fanny comme un cadeau : c’est exactement ce que j’imaginais, en plus dense, plus protéiforme encore. Les collections deviennent vivantes, avérées : une collection d’images que j’aurais pu, moi, entamer dans la vraie vie.
Recherches de Fanny Dreyer
Quel est ton propre rapport aux collections ?
Je collectionne les mains, c’est une des collections représentées dans le livre. J’en ai de toutes les formes et de toutes les matières. Elles sont la partie du corps que je préfère chez chacun, mais c’est pour ce qu’elles charrient comme symbolique que je les aime : le toucher, l’artisanat, la caresse, l’usure. Je collectionne également beaucoup d’images que j’assemble, trie, regroupe avec minutie. Je trouve dans cet acte un réconfort certain, une sorte de repos et d’apaisement, en même temps qu’une joie pour les yeux.