Entretien avec Séraphine Menu
Chasseur de glace est né lors d’un voyage en transsibérien. Peux-tu nous en dire plus sur ce voyage et sur les intentions qui ont présidé cet album ?
J'ai en effet eu la chance d'effectuer un voyage à bord du transsibérien en décembre 2017, de Paris à Pékin, au cours duquel j'ai découvert la Russie, la Mongolie et la Chine. Je me suis arrêtée à plusieurs reprises pendant quelques jours, notamment à Irkoutsk, près du Lac Baïkal. À l'auberge de jeunesse où je logeais, un groupe de jeunes avait trouvé un véhicule pour se rendre tout près du lac. Je me suis greffée à eux et nous avons passé une journée entière sur les bords du Baïkal. J'ai découvert l'immensité du lac qu'ils appellent leur "mer intérieure", vu de nombreux oiseaux, quelques animaux, et découvert une lumière absolument somptueuse. C'était comme un coup de foudre géographique et j'ai tout de suite su que j'écrirai un jour sur cet endroit.
Comment as-tu recueilli les informations sur les habitants autour du lac Baïkal ? Est-ce que tu as pu les rencontrer ou échanger avec eux ?
Pendant que nous mangions de l'omoul (le poisson typique du Lac Baïkal) en essayant de ne pas avoir les mains qui gèlent trop, j'ai aperçu des hommes qui semblaient extraire des blocs de glace sur le lac. Cela m'a semblé étrange. Comme l'une des personnes qui m'accompagnait semblait connaitre leur métier, elle m'a expliqué que leur rôle était essentiel en hiver pour que les populations du lac aient accès à l'eau potable. J'ai observé ces hommes, de loin, sans oser les déranger. J'ai trouvé leurs gestes si précis, si millimétrés sur la glace, qu'ils me faisant penser à des danseurs ou à des cosmonautes en apesanteurs. J'ai pris quelques notes sur leurs tenues, leurs outils, et je me suis dit qu'il faudrait que je me renseigne sur eux lorsque je serai rentrée et que j'aurai récupéré Internet. J'ai aussi croisé quelques bouriates, le lendemain, en me dirigeant vers la frontière mongole.
Pourquoi ce choix d’entremêler fiction et documentaire ?
C'est un format qui me plait beaucoup et qui me ressemble, car je viens à la fois de du monde du roman jeunesse et du monde du documentaire. Avec ce projet, j'avais envie de réfléchir à une forme hybride, qui puisse relier les deux. Pour ne pas choisir, en quelques sorte, ce qui me ressemble assez aussi !
À travers plusieurs livres (Biomimétisme, la nature comme modèle ; Où sont passés les oiseaux), tu explores le fascinant fonctionnement de la nature et du vivant, et leurs relations avec les êtres humains.
Pourquoi ces thématiques t’intéressent en particulier ? Lorsque j'écris un roman, ce sont surtout les relations entre les personnages qui m'intéresse et l'évolution qu'elles peuvent avoir à travers le récit. C'est aussi ce qui m'intéresse lorsque j'écris un documentaire. Je considère les documentaires que j'écris comme des histoires, qui racontent aussi l'évolution des relations entre les êtres humains et leur environnement. Je tente à chaque fois d'avoir un angle différent (l'imitation de la nature, l'entraide, la disparition des oiseaux...) comme point de départ d'une histoire de relation.
Chasseur de glace
Séraphine Menu
& Marion Duval
Là où habite Youri, on ne s’installe pas.
On y naît et on y vit, ou bien on s’enfuit.
Youri vit en Sibérie, au bord du lac Baïkal. Entremêlant fiction et documentaire, l’album explore avec sensibilité le quotidien du petit garçon.