Entretien avec Anne-Margot Ramstein
Qu’est-ce qui est venu en premier : l’objet ou le propos ?
L’objet a motivé le propos. Je voulais depuis des années faire un livre traversé par une forme creuse. Cette envie est née en manipulant un vieux livre rongé par des vers. Les galeries des parasites traversaient l’objet et formaient un motif qui se répétait sur chaque page. Ce manque était une contre forme du parasite puisque celui-ci avait logé dans ce petit espace. Avant il y avait quelque chose qui désormais n’était plus. Il m’a semblé évident en m’attelant à ce projet que ce manque dans le livre était un passé. Quelque chose disparu. Une image que l’on tente de rappeler à son souvenir mais qui ne revient jamais pleinement.
Quelle est la technique utilisée et comment as-tu choisi la gamme couleur ?
Les images sont réalisées à la gouache. Je voulais pour ce projet adopter une technique traditionnelle pour adoucir mon dessin qui est très géométrique. La gamme de couleurs est composée de teintes très sombres, très douces rehaussées de quelques tons acidulés. Les teintes les plus claires sont presque effacées, comme délavées par le soleil. Les plus sombres me permettent des contrastes marqués lorsqu’ils sont nécessaires et les tons les plus saturés sont liés au vocabulaire de l’enfance. Ce sont des teintes de jouets : du «rouge pompier », un vert « bonbon goût pomme », du bleu turquoise comme celui des cartouches d’encre.
Dans tes livres ou dans ceux que tu co-signes avec Matthias Arégui, un système visuel détermine, guide la narration. Quel rôle joue la contrainte dans ton processus créatif ?
Dans ce cas, cela m’a permis de composer des images autrement et de prendre de la distance avec mes automatismes de dessin. Mais ce qui m’intéresse le plus dans le jeu est la relation que cela crée avec le lecteur. Je tiens à ce que le système soit compréhensible dès le départ. La règle du jeu ici est ce qui caractérise le livre puisque ce trou dans la reliure est visible même lorsque le livre est fermé.
Me Manque
Anne-Margot Ramstein
Dans cet album éblouissant, le temps retrouvé de l’enfance a la forme d’un rond que chacun comblera de ses propres souvenirs.