Entretien avec Sarah Cheveau

Comment est né Nuit de chance ?

Nuit de chance est né il y a 3 ans et en plusieurs étapes. J’ai d’abord voulu écrire un album jeunesse avec des fusains que j’aurais fabriqués moi-même. L’idée était d’aller ramasser des branches en forêt, du bois mort, de les brûler et de retourner en forêt par le dessin. Avec cette proposition, j’ai fait des recherches de recettes et de dessins lors d’une résidence de cinq mois avec les bibliothèques de Blois en région Centre. Puis j’ai partagé ces expériences avec des enfants dans différents ateliers. Les déroulés et les résultats de ces ateliers m’ont bouleversée, les dessins étaient magnifiques et les enfants étaient aussi passionnés que moi par le projet.

Ateliers avec les enfants

À la fin je n’avais pas beaucoup avancé sur la structure du livre mais j’étais extrêmement riche de recherches, découvertes et inspirations. J’ai donc pris six mois supplémentaires pour organiser cette matière. L’album est composé de deux parties : une histoire (ma « promenade en forêt à dos de fusain »), et les coulisses de mes recherches (recette, photos de mes propres fusains, nuancier de noirs et des différentes essences d’arbres).

Tu as déjà publié trois livres avec des techniques variées. Pourquoi as-tu choisi d’explorer cette fois la technique du fusain ?

Mes premiers livres sont très différents car je fonctionne par projet, mais la technique était presque toujours la même : le papier découpé. La fabrication du fusain commence par un  promenade dans la nature, c’était une excuse magnifique pour sortir de l’atelier et une motivation parfaite pour me lancer. Le fusain est aussi très facile à trouver, car c’est une essence d’arbuste très commune en France et en Europe (son nom complet est « fusain d’Europe », peu de gens le savent d’ailleurs). J’ai aussi découvert que l’on peut fabriquer du « fusain » (ou plutôt du « charbon à dessiner ») avec toutes les autres essences d’arbres et d’arbustes. À mon grand étonnement, les différents bois et cuissons ont produit différentes couleurs : des nuances de marrons, de bruns et quelques ocres en plus du noir charbon.

J’ai adoré me plonger dans le dessin au fusain. Il est à la fois sensible et fort, rapide et subtil, produit de délicats niveaux de gris et des noirs féroces formant de merveilleux contrastes avec le blanc du papier. Le fusain est aussi tout près du corps dans sa manipulation : on peut tracer mais aussi frotter, étaler, caresser, effacer... Je le trouve extrêmement ludique. Enfin le fusain/charbon est très émouvant car il relie notre acte de dessiner à celui de nos ancêtres préhistoriques, les fresques d’art pariétal sont réalisées avec cette technique. La boucle me plaisait énormément - le petit bout de bois ramassé par l’enfant tout d’un coup relié à l’une des plus anciennes traces de l’histoire de l’art humain.


Nuit de chance
Sarah Cheveau

Une enfant courageuse pénètre un soir dans la forêt et raconte ce qu’elle a vu...

Une promenade envoûtante et surprenante pour éprouver la vie palpitante de la nuit.